Décontractez-vous, oubliez l'affaire Delorn ; nous allons descendre plus profondément dans les abys-
ses de l'imbécillité, de la méchanceté.
The abyss: chorale
Hercule Poirot, le héros d'Agatha Christie, résout les énigmes par déduction et psychologie lorsque
les preuves matérielles lui sont escamotées.
Pour ma part, il m'a suffi pour comprendre les tenants et les aboutissants de l'affrontement entre
madame Delorn et les « Grandes Mademoiselles » d'attendre patiemment que l'on me tende
les éléments les uns après les autres.
Ainsi, mon seul souci a été de replacer convenablement les différentes parties de ce jeu de
Meccano humain.
Aucune gloire... le mérite revenant aux guêpes trop bavardes.
Le Prince, sur ses gardes, vivra d'autres moments difficiles au cours des mois suivants.
Il me semblait que le temps d'incubation, que la période entre le début et le dénouement satisfaisant,
si l'on peut dire, de l'affaire Delorn, ne laisserait aucune trace et permettrait aux guêpes-enseignants
de se ressaisir.
Au contraire, cette histoire diabolique laissera une profonde cicatrice... jusqu'au départ de « Miss E.T. ».
Fin janvier 1994, le climat s'étant adouci, je pensais que nous aurions la possibilité de retrouver
nos esprits et ainsi pouvoir redresser la barre, quitter le quai et gagner la haute mer.
Hélas !
Trois fois hélas !
C'était compter sans le comportement souvent navrant de mes jeunes collègues; pourtant, ils ont pas-
sé l'âge de suivre des cours de bonne conduite.
Moments de relâchement, moments de faiblesse trop fréquents ; personnalités qui détonnent
au moindre accrochage m'ont créé tout au fil des jours des inquiétudes.
Comme tout lieu de vie, l'école est l'endroit où implication des uns et désintérêt des autres
se chatouillent, se frottent mais la sagesse l'emportant nous aurions vécu ensemble en s'écoutant,
en se comprenant.
Il en a été autrement car à l'intérieur d'un lieu de travail l'idéologie devrait laisser la place au réalisme.
Hors de sa classe, hors de son royaume, mon maître ne s'estimait plus, ne se conduisait plus com-
me enseignant, il se considérait comme simple citoyen.
Hors de son cabinet médical, le docteur ne s'estime plus, ne se conduit plus comme « toubib »,
il se considère comme simple citoyen.
Terrassé(e) par une crise cardiaque, ce médecin-là ne tenterait pas de vous réanimer.
Vous n'obtiendrez aucun secours de sa part.
Un semblable comportement, un semblable raisonnement sont inacceptables, sont à proscrire.
Dr. Jekyll et Mr. Hyde
Ayant la charge de jeunes enfants, une vigilance de tous les instants est demandée.
Leur insouciance m'a désorienté ; leur manque de clairvoyance m'a profondément déboussolé.
Davantage de sérieux, davantage de rigueur, davantage de conscience professionnelle chez cer-
tains maîtres et l'idée d'un référendum sur l'école n'aurait jamais été évoquée.
C'est ainsi que, dès leur arrivée, mes guêpes-enseignants ont investi la B.C.D. en la transformant
non pas en une ruche studieuse mais en cafétéria, en salle de conseil municipal.
Le thé, le café, la cigarette aidant, ils ont pris la résolution de fermer le portail.
Nous en connaissons les conséquences.
Au bout d'un trimestre, tels des nomades, ils la délaisseront pour établir leur campement dans
le réfectoire au grand dam des employées municipales.
Sahara: Touareg
L'année suivante, leur transhumance les conduira à paître dans la salle de cours d'arabe.
C'est ainsi que devant une telle attitude, je me suis interdit l'entrée de la B.C.D. et du réfectoire :
charbonnier n'étant plus maître chez lui.
Dans leurs moments de décontraction, certains prenaient des poses assez originales : pose du P.D.G.
américain, les pieds carrément sur la table ; pose du sportif épuisé par une épreuve carrément allon-
gé sur un banc.
Ils décompressaient selon eux ; en réalité, ils décompressaient les effectifs de l'école « Éric VENT-
DEST ».
Empruntant les horaires à ceux de la maternelle, certains de nos élèves, pour éviter l'ennui, ve-
naient me prier d'interrompre la durée des récréations.
Plus navrant, à mes yeux, la sonnerie annonçant la fin des récréations ou le début des cours avait
perdu de son utilité, de son efficacité puisque les maîtres se permettaient d'arriver après leurs élèves.
Se placer devant son rang avant l'arrivée des élèves me paraît être l'évidence même.
J'ai compris leur philosophie.
Leur seule présence dans la cour, leur permet d'affirmer qu'ils la surveillent.
A aucun moment, ils n'ont assuré véritablement une surveillance digne de ce nom.
Au contraire, ils s'asseyaient toujours sur le même banc, tournant le dos aux élèves quand ils
ne s'asseyaient pas sur le rebord d'une baie vitrée.
Bonjour la sécurité !
Parfois, tels des spermatozoïdes autour d'un ovule, ils formaient une ronde.
Je me disais qu'ils allaient donner naissance à une idée créative dont l'école pourrait bénéficier.
Que nenni ! Mais non !
La course en tête
Pour plus d'efficacité, un maître de service doit se déplacer, doit circuler en observant les endroits
à risque.
Une enseignante a osé me demander, pour surveiller les récréations, le secours de la Contrat
Emploi Solidarité.
Des enseignants faisant appel à l'aide de C.E.S.
Décidément, j'aurai tout entendu.
Aucun accident sérieux n'ayant émaillé les moments de liberté de nos écoliers, j'étais un par-
rain chanceux.
La baraka ne me quittait pas.
En deux ans, les coups d'œil, les interventions dans les toilettes se compteront sur les doigts
d'une seule main.
Est-ce leur religion, la crainte d'attraper le SIDA qu'ils ont volontairement ou inconsciemment écarté
la visite de ces lieux si fréquentés... et pour cause.
Ne soyez pas étonné(e) des reproches que nous adressent les professeurs de collèges éprou-
vant quelques difficultés d'ordre disciplinaire auprès de leurs nouvelles recrues.
Le laxisme, le laisser-aller est inacceptable, intolérable à l'école primaire.
Il faut se pincer très fort pour ne pas être pessimiste devant ces déplorables agissements.
Frappons un grand coup sur la table et crions : « Gros... sur la patate !».
A deux reprises, je me suis fortement pincé croyant rêver.
J'avais devant moi, le « Bêbête show » en chair et en os... un « Bébête show » plus cruel que l'origi-
nal présenté sur TF1.
Décidément mes guêpes-enseignants ne respectaient ni mon âge, ni ma fonction.
C'est ainsi, que le mardi 25 octobre 1994, veille des congés de la Toussaint, à la fin de la récréation,
j'ai eu droit à un French Cancan exécuté, dansé par une maîtresse et une C.E.S. chargée de
la surveillance d'un élève trisomique.
A l'instant précis où ces « La Goulue » de pacotille levaient la jambe gauche, puis la jambe droite,
l'enfant mongolien jouait à mes côtés.
Je touchais du doigt la bêtise humaine, l'inconscience de mon personnel.
N'étant pas un Toulouse-Lautrec, je n'ai pas pu immortaliser « La Goulue » faisant le grand écart dans
la cour de l'école « Éric VENTDEST ».
Le jeudi 26 janvier 1995, le « Bêbête show » quittera le « Moulin de la Galette » pour s'installer au
14, boulevard des Capucines dans les sous-sols du Grand Café pour la projection d'un film muet.
Alors que j'asticotais un de mes élèves éprouvant quelques lenteurs à se ranger, deux jeu-
nes comédiennes (une maîtresse et la même C.E.S.) s'entraînaient à refaire mes gestes, mes manières.
Imiter un collègue proche de la retraite ou pas ; si ce n'est pas de la méchanceté, de l'idiotie... ça en
a le goût et la couleur.
Le jour de ma retraite, je me retirerai sur la pointe des pieds en quittant ce foutu théâtre pour ne
pas troubler les artistes.
Pierre Pamade: Le comique
L'aigle noir
BARBARA
La place Blanche
"Un jour, on découvrira des vaccins qui permettront de guérir le cancer et le sida.
En trouver un pour soigner la jalousie ou la connerie humaine, c'est au-dessus des forces de nos chercheurs."
D'après les propos de RAÏ, élu meilleur footballeur du siècle au PSG